D'une page qui se tourne et l'envie !
D'une page qui se tourne et l'envie !
De vous écrire, et à peine commencé, un flot de souvenirs envahissent mon cœur…
La rencontre de ce lieu en 2002… : c’était là ! Et ce sera là !
Mes premiers achats en criée, mes premiers crabes, mes premières soles en filets. Et nos plateaux de fruits de mer ! Tout concentrés que nous étions sur le respect et la variation des cuissons. À l’époque, peu d’établissements s’y aventuraient.
Et les premiers retours ! Joyeux , encourageants ou critiques, pour nous améliorer encore.
Devenir des pros tout en restant artisans, on y a mis du temps, mais les remontées nous ont construit : on a fait du bon travail ensemble.
Quand vous faites vivre votre passion, c’est avant tout pour les autres : les gens de passage ou les clients, les fidèles devenus des amis, et vous écoutez ce qu’ils veulent, leurs attentes. Une relation est née.
2006, en résonance avec vos suggestions, je prends ma licence « Restauration sur place et à emporter » . À l’époque, la dégustation n’existe pas vraiment en Morbihan comme à Arcachon, par exemple, où elle est bien amorcée. C’est bien légiféré : ce sont des lotissements et tout est sur le domaine public maritime. En Morbihan, en revanche, beaucoup de chantiers sont sur du privé, comme aux Viviers : on est chez nous. L’ostréiculture, c’est dur, surtout quand vous n’êtes pas du sérail, mais vous m’encouragez, la diversification est dans tous les secteurs pour rompre avec le productivisme.
En 2008, la mortalité des huîtres nous tombe dessus, c’est violent, on est tenté de baisser les bras, mais vous êtes toujours là et vous nous incitez : « Installez des tables, on veut être ensemble, manger sur le site ! On voit ça partout dans le monde ! Tu es sur le bon chemin, de la vie dans nos fermes ! Bon sang… ». Moi, j'y vis déjà depuis longtemps, la caravane sur le terre plein, et le boulot tous les jours...
Alors, on improvise : « Rock et sardines » « Java-fruits de mer », « Moules-biniou », sous tente quand il pleut... un peu dans la boue ! Ah ! Le bon temps ! Certains m’en parlent encore comme leur meilleur souvenir de vacances ! La simplicité, l’insouciance , un élan ! On se retrouve là pour déguster et on rentre.
2015 : un arrêté* vient tout bloquer en Morbihan, un arrêté qui ressemble à bien des égards à ce qu'on fait de la pêche française aujourd'hui, on sanctionne les acteurs, on choisit des coupables tout désignés... Témoignage encore d'un État bien loin des préoccupations des véritables acteurs d'une filière… Faisant mine de débattre sur la diversification, il réduit la possibilité de cette diversification à peau de chagrin. Lisez cet arrêté.
Et, j’apprends que tous les ostréiculteurs, petits ou gros, ont emboîté le pas : partout, des terrasses s’improvisent, petites, grandes, vastes, et ainsi, les ventes sont dopées, relançant la production.
Je me dis que devant cette évidence, cet arrêt ne viendra pas casser cet art ancestral de vivre à la côte. Qu'il sera revu. Vous m'encouragez encore, « Défends-toi, défends ton Vivier ! »
Mais les contrôles et les inspections arrivent, plus menaçants les uns que les autres.
J.J Rousseau dit que lorsqu’on « porte atteinte à vos libertés, vous ne les retrouvez jamais ».
Cet arrêté est incohérent et sans concertation avec la filière, seule capable de sentir et de penser comment faire évoluer son métier, comme pour la pêche ou l'agriculture dans le dos des professionnels, en manipulant leur comité.
On me confie alors que cet arrêté est fait pour casser une profession, qui en essayant de se réinventer, occupe une place trop jalousée sur le littoral (immobilier…), que des abus ont pu être observés, parfois même en vendant des chantiers ostréicoles à des privés… Je ne comprends pas le rapport…
Je ne suis pas un grand analyste économiste mais je sais que le travail sérieux paye. Je regarde partout où la mer exerce son pouvoir d’attraction et on y mange ! Surtout des fruits de mer ! Alors, je continue à faire confiance à l’histoire en marche, dans le respect de mon territoire.
Cependant, la pression se fait plus forte, voire étouffante, et pas que chez nous, d’autres chantiers subissent la même intimidation. Dès lors, plein de "viviers" apparaissent sur le littoral… Je m’aperçois vite qu’il faudra se défendre.
Lisez cet arrêté, chers amis, et comprenez qu’une page des Viviers est tournée. Je ne sais pas si je saurais vous servir du surimi ou du pâté en boîte en lieu et place des crabes de mes bassins et de langoustines fraîches de Lorient… Je ne comprends plus bien notre époque, je me dis que j'ai fait ce que j'avais à faire et certains collègues me félicitent d'avoir été un de ceux qui ait fait du mois d'août le deuxième mois de vente d'huîtres après décembre... Seulement voilà ! Quand je vois ce qu’on a fait de l’agriculture ou de la pêche en cinquante ans, je sais d’évidence que ce ne sont pas les hommes qui la travaillent, et qui essaient d’en vivre, qui leur ont donné ce visage, ce sont des décisions politiques, ou des lobbies puissants qui gravitent autour de nos filières pour les manipuler selon leur besoin. Que jamais la vie des hommes n'est pris en compte. La pêche industrielle a été un fiasco environnemental et humain et l'exode rural a condamné les derniers paysans à une vie de solitude spartiate et parfois dramatique… À qui profite le crime ? Pêcheurs, ostréiculteurs, même combat. Mais ceci est un autre débat.
Aujourd’hui, je veux seulement vous dire « MERCI » et rêver encore d'une page qui se tourne, en laissant une autre s'écrire. Avec vous, surtout, car c’est notre histoire.
Elle va commencer par vous, en prenant forme dans un livre d'or disponible à l’entrée du Vivier. Inscrivez-y ce que vous ressentez, ce que vous voulez, ce que vous espérez. Nous serons avec vous pour évoquer tous ces témoignages, si simples soient-ils.
Alors, nous scellerons cette communauté en nous redisant toutes ces choses, autour d’une petite dégustation. « Cadeau »
« Se souvenir des belles choses », pour inventer demain. Et je vous écouterais encore ! On ne peut effacer ce qui a été, et malgré l’échec économique, social, humain, notre désir de faire vivre cet endroit reste intact, tant ce que nous avons vécu y reste gravé, inoubliable.
Alors venez graver dans ce livre d'or ce qu'a été le Vivier pour vous, et nous trouverons la force de lui inventer un futur. "Créer c'est résister, résister c'est créer" Joseph Kessel.
Malo Lemonnier